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Unlimited Miles
1 décembre 2007

Les cols de la RATA : le Roi Stelvio.

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En parcourant Unlimited Miles vous aurez compris ma fascination pour les cols alpins et les longues chevauchées cyclistes. Pratiquer le vélo en milieu montagnard constitue une discipline qui décuple le plaisir lié à l’effort, associé à la découverte d’un environnement naturel exceptionnel. La perfection des reliefs, les paysages au pouvoir évocateur « Unlimited », la victoire sur la pesanteur que l’on ressent lacet après lacet, les réactions de notre corps face aux sollicitations imposées et l’ivresse de l’altitude nous propulsent dans un état second. Nul besoin d’abuser de substances chimiques illicites pour se sentir bien, prenez un vélo, des cols à gravir, et laissez agir la magie.

Après un tel constat et une telle addiction à l’effort en altitude, comment ne pas se retrouver un beau jour au départ de la RATA (Race Across The Alps), c’est dans la logique des choses.

La RATA est considérée à juste titre comme la course de 24 heures la plus dure au monde. Avec 540 km et 13 000 m de dénivelée à faire en une étape, c’est suffisamment long pour se dire qu’on va faire un truc de cinglé, et suffisamment court pour se dire : « c’est faisable ! »

Depuis la première édition en 2001, on retrouve chaque année au départ  une petite poignée d’illuminés qui ont simplement osé s’offrir une tranche d’aventure. Peu de français dans l’histoire de la RATA alors que les autrichiens imposent leur loi sur les pentes du Stelvio, Gavia et autre Mortirolo. Parmi les finishers : Dominique Briand, le pionnier, Vrège Jeloyan, Yves Chizelle, et moi-même. Bien sur il faut que certaines conditions soient réunies pour tenter le grand saut : un entraînement approprié, un peu de disponibilité, un peu d’audace, pas de complexes, deux ou trois volontaires pour vous assister, et la compréhension de votre entourage. Le facteur humain est probablement le plus important pour vous permettre de réussir une RATA, sans une assistance solide il y a peu de chance de revoir Nauders. Les problèmes de logistique se résolvent toujours.

Alors pour vous donner envie, pour vous convaincre de franchir le pas comme je l’ai fait un jour, voici un grand panorama des cols de la RATA : Stelvio, Gavia, Mortirolo, Aprica, Bernina, Albula, Fluela, Ofen, Umbrail, Reschen. Autant de noms qui résonnent dans la tête de celui qui se sera retrouvé un jour à Nauders au départ de la RATA, qui aura traversé trois pays, la nuit, les intempéries, pour se retrouver 24 heures plus tard complètement disjoncté sur le podium des finishers, mais tellement heureux. L’inutilité d’un acte sportif dans toute sa splendeur, le sentiment  primaire de se dire « je l’ai fait ! », voilà la partie émergé ce que vous offrira la RATA, le reste il faut le découvrir par soi-même.

Le Roi Stelvio.

   

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La RATA débute par un morceau de choix, les Italiens l’ont surnommé le Roi Stelvio, d’autres le comparent à un gros intestin du fait de ses innombrables lacets qui peuvent  évoquer cet organe. Le Stelvio ne peut laisser indifférent, l’immensité des lieux offre un spectacle de toute beauté. La route a été ouverte en 1826 pour relier la province de Bolzano (Vallée de Vinschgau aux sources de l’Adige) à la Valtellina (Bormio). Un troisième accés a été ouvert plus tard par Santa Maria et l'Umbrail, reliant le Stelvio à la Suisse (canton des Grisons, Engadine). Avec 2757m d’altitude il s’agit du col routier le plus haut d’Italie, et du second col routier le plus haut d’Europe après l’Iseran (2770m). Contrairement aux idées reçues la Bonnette n’est pas le plus haut col routier d’Europe car les 2802m sont atteints à la Cime, le col proprement dit, le Restefond, étant en réalité à 2680m.
Passo dello Stelvio en Italien, Stilfser Joch en allemand, le Stelvio est également une frontière linguistique, il se trouve au pied d’une pointe dénommée Dreisprachenspitze (pic des trois langues), puisque s’y rencontrent l’italien (Valtellina), l’allemand (Vallée de Vinschgau), et le rhéto-romanche (Engadine, canton  des Grisons.)

   

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Pour les concurrents de la RATA, le Stelvio est emprunté par le versant Est par Trafoi. Il est à considérer comme l'un des cols les plus difficiles des Alpes, les pentes ne sont jamais excessives mais il faudra compter avec 25,5km d’ascension à 7,3% de moyenne. En comparaison le Galibier depuis Valloire représente 17km à 7,3% de moyenne, le Mont Ventoux par Bédoin 21km à 7,5% de moyenne, le décor est fixé.

   

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L’ascension débute modestement le long d’un torrent dans un cadre boisé. A la sortie de Gomagoi, les choses se gâtent avec les premières fortes pentes dans la zone des paravalanches,  bien appréciables lorsqu’il tombe des trombes d’eau comme en 2006. Puis vient la traversée de Trafoi qui marque l’entrée dans l’univers du Stelvio. Il reste 14km à gravir comparable à une citadelle qu’il faudrait investir. La vision de l’empilement de lacets qui attend le cycliste est réellement stupéfiante, on se demande quel esprit tordu a voulu faire passer une route par là. Avec une bonne dose de patience et un effort savamment dosé on viendra à bout de la cinquantaine de lacets, tout en préférant admirer les glaciers (ou ce qu’il en reste) du massif de l’Ortles (3905m) plutôt que de fixer ce sommet  qui semble s’éloigner.

 

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Traversée de Trafoi lors d'une reconnaissance.

 

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Vaincre la pesanteur.

 

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La citadelle du Stelvio.

 

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Un gros intestin?

 

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Rester patient.

 

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On finit toujours par arriver au sommet.
 
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RATA 2007: le temps se gate après Trafoi.

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RATA 2007: lacet N° 12, 25, 36 ou 49??

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RATA 2007: le massif de l'Ortles (3905m) en toile de fond.

   

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RATA 2007: l'univers minéral à l'approche du sommet.

 

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RATA 2007: un dernier rayon de soleil avant le sommet.

 

 

A suivre...

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Commentaires
H
Que rajouter, c'est parfaitement dit, et finement exprimé. <br /> En effet, pour que le miracle ait lieu, que l'assistance et le cycliste se retrouvent dans le même désir, il faut dépasser la notion matérialiste d'objectif. Cette approche ne m'avait pas encore effleuré l'esprit depuis mes début dans ce que je n'ose plus appeler "ultra". Je cogite à cela depuis ce matin :-) <br /> Les épreuves de 24h ne sont finalement qu'une porte d'entrée vers la véritable problématique qui apparaît dans toute son évidence quand la durée s'allonge: unir dans un même désir une équipe avec ces différentes personnalités et un cycliste qui va petit à petit décliner physiquement. <br /> Gestion du temps, de la distance, des calories, du sommeil, de la motivation d'une équipe, maîtriser sans tout maîtriser... C'est pas simple, mais c'est passionnant.<br /> <br /> Merci Patricia pour ce post.<br /> A bientôt<br /> <br /> Hugues
P
Merci de ton accueil, Hughes ! Tu es un hôte attentif et chaleureux...many thanks!<br /> Oui, Jean Marc avait entièrement raison. Le ressort des ultras, c'est le désir, Eros et Thanatos tout à la fois, toujours l'histoire de la dualité recomposée. Amour, passion et danger, mort. Pour goûter aux sucs enivrants de la vie afin d'atteindre à toujours davantage de maîtrise...tout cela tu dois l'apprivoiser de plus en plus au fil de ta démarche, j'imagine. <br /> Clair que le plaisir est bien simple et redondant (et vide !) en comparaison. Le contraste entre désir/plaisir évoque celui qui existe entre l'ultra/le cyclosport, non ?<br /> Mais alors, forcément, assistance et cycliste ultra doivent se retrouver dans le même désir, ce qui dépasse largement la notion matérialiste d'objectifs. Ton constat quant aux difficultés à réunir une assistance hors pair n'a donc rien d'étonnant ! Ton abnégation de cycliste doit être exactement égalée par l'abnégation des membres de ton assistance pour que le miracle ait lieu - pas facile de trouver des personnes consentantes ! Parceque, au final, c'est signer pour une formidable histoire d'amour ou d'amitié (mais pas le truc romantique de nos sociétés d'affluence !)où il n'y a pas plusieurs entités, mais une seule....comme une hydre (ok le symbole n'est pas très positif mais c'est l'idée qui importe)à plusieurs têtes prêtes à s'abolir pour le partage d'un temps présent. <br /> Tu vois, j'ai progressé sur mes idées préconçues de l'assistance !<br /> En tous les cas, ton assistance (avec Laure aux commandes bien sûr !) et toi offrez probablement un modèle pour les aspirants ultras...bravo pour cette magnifique réussite !<br /> <br /> Ok je guetterai tes nouveaux récits, et en attendant je relis les autres...mais Dieu que c'est dur de voir toutes ces photos de montagne en temps de pénurie !
H
Salut Patricia,<br /> <br /> Content de te savoir de temps en temps sur ce blog.<br /> De l'audace, énormément de passion, et aussi comme tu l'a évoqué très justement l'autre soir: du désir. Se lancer dans une entreprise comme la RATA, qui n'est finalement qu'une porte d'entrée vers des projets plus ambitieux, renvoie à quelque chose de plus fort que le simple plaisir.<br /> <br /> Concernant les qualités de grimpeurs, il ya des cyclistes bien plus doués que moi dans ce domaine, mais qui n'osent pas franchir le cap. Le risque de se planter est omniprésent sur la rata et constitue un facteur bloquant pour beaucoup d'individus il me semble.<br /> <br /> Pour finir, je voudrais vraiment insister sur l'importance de l'asstance sur la rata, et les épreuves du même genre. Ce facteur est à prendre en compte au même titre que les qualités physique du cycliste, et le nombre d'heures d'entrainement accumulé. Trouver 2 ou 3 personnes acceptant de donner un peu de leur temps, sans que cela constitue un sacrifice, pour faire une assistance est plus dur que d'enchainer des kms d'entrainement. C'est le gros défi de l'ultra savoir associer et impliquer son assistance dans un objectif commun: franchir la ligne d'arrivée.<br /> Si on est costaud, mais que l'assistance craque, peu de chance de réussite. Si on est plus faible et que l'assistance est en béton, il y a de grandes chances d'y arriver. <br /> <br /> Y a de quoi débattre sur les relations coureur/assistance sur une épreuve dite ultra.<br /> <br /> Pour l'Albula, la Fluela et l'umbrail, j'y arrive... :-)<br /> <br /> A Bientôt<br /> Hugues
P
Hughes, <br /> D'abord merci pour tous ces superbes articles et photos (là c'est Laure qui est à féliciter, j'imagine !) sur les sublimes cols de la Rata. C'est en lisant tes articles, en me remémorant ce que je connais du Gavia, du Bernina, du Stelvio, ce que je redoute du Mortirolo (non grimpé, parcequ'effrayée des pourcentages annoncés)que j'ai réalisé à quel point cette Rata est une entreprise démesurée, complètement décalée, hors limites (retour à ton 'unlimited')- surtout lorsque l'on rajoute le phénomène météo souvent peu accueillant pour la Rata, semble-t-il...Tu dis qu'il faut 'un peu d'audace'! Il s'agit là d'un euphémisme ....Sûrement les ingrédients nécessaires sont des tonnes d'audace, de la passion et encore de la passion pour les pentes abruptes qui n'en finissent pas (et les descentes souvent dangereuses et techniques)- et de grandes qualités de grimpeur!<br /> <br /> Allons-nous avoir le bonheur de lire tes articles sur l'Albula, le Fluela et l'Umbrai ? Trois splendeurs, mais ma préférence va au dernier, je crois. <br /> <br /> Ecrire sur ces "personnalités" hors du commun de la haute montagne ne te donne-t-il pas le désir d'y retourner très vite ?
H
Le RPE 2004 et 2005 était nettement plus "roulant" que 2006 et 2007, environ 3000m de dénivelée en moins, de plus en 2005 les moyennes étaient un peu avantageuses par rapport à la réalité, j'étais crédité de 27,6km/h alors que mon compteur indiquait 26,8km/h, et j'avais pris une déchirée assez monumentale dans la montagne de Lure. Pas de déchirée en 2006 et 2007 et la moyenne a été nettement inférieure, Fashing sur ce parcours n'aurait pas fait 30km/h j'en suis certain, mais il nous aurait mis quand même minable, ça aussi j'en suis sur!<br /> Les moyennes de l'édition 2008 devraient à nouveau approcher ou dépasser les 30km/h si il y a du gros client au départ.<br /> Ceci dit la performance de Fashing reste exceptionnelle, à l'image d'un gars exceptionnel avec un physique et un mental en dehors de toutes nos références en la matière. Un gars vainqueur à 3 reprise de la RAAM qui a dominé la discipline durant quelques années, ça ne se discute pas.
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