Les cols de la RATA : le Roi Stelvio.
En parcourant Unlimited Miles vous aurez compris ma fascination pour les cols alpins et les longues chevauchées cyclistes. Pratiquer le vélo en milieu montagnard constitue une discipline qui décuple le plaisir lié à l’effort, associé à la découverte d’un environnement naturel exceptionnel. La perfection des reliefs, les paysages au pouvoir évocateur « Unlimited », la victoire sur la pesanteur que l’on ressent lacet après lacet, les réactions de notre corps face aux sollicitations imposées et l’ivresse de l’altitude nous propulsent dans un état second. Nul besoin d’abuser de substances chimiques illicites pour se sentir bien, prenez un vélo, des cols à gravir, et laissez agir la magie.
Après un tel constat et une telle addiction à l’effort en altitude, comment ne pas se retrouver un beau jour au départ de la RATA (Race Across The Alps), c’est dans la logique des choses.
La RATA est considérée à juste titre comme la course de 24 heures la plus dure au monde. Avec 540 km et 13 000 m de dénivelée à faire en une étape, c’est suffisamment long pour se dire qu’on va faire un truc de cinglé, et suffisamment court pour se dire : « c’est faisable ! »
Depuis la première édition en 2001, on retrouve chaque année au départ une petite poignée d’illuminés qui ont simplement osé s’offrir une tranche d’aventure. Peu de français dans l’histoire de la RATA alors que les autrichiens imposent leur loi sur les pentes du Stelvio, Gavia et autre Mortirolo. Parmi les finishers : Dominique Briand, le pionnier, Vrège Jeloyan, Yves Chizelle, et moi-même. Bien sur il faut que certaines conditions soient réunies pour tenter le grand saut : un entraînement approprié, un peu de disponibilité, un peu d’audace, pas de complexes, deux ou trois volontaires pour vous assister, et la compréhension de votre entourage. Le facteur humain est probablement le plus important pour vous permettre de réussir une RATA, sans une assistance solide il y a peu de chance de revoir Nauders. Les problèmes de logistique se résolvent toujours.
Alors pour vous donner envie, pour vous convaincre de franchir le pas comme je l’ai fait un jour, voici un grand panorama des cols de la RATA : Stelvio, Gavia, Mortirolo, Aprica, Bernina, Albula, Fluela, Ofen, Umbrail, Reschen. Autant de noms qui résonnent dans la tête de celui qui se sera retrouvé un jour à Nauders au départ de la RATA, qui aura traversé trois pays, la nuit, les intempéries, pour se retrouver 24 heures plus tard complètement disjoncté sur le podium des finishers, mais tellement heureux. L’inutilité d’un acte sportif dans toute sa splendeur, le sentiment primaire de se dire « je l’ai fait ! », voilà la partie émergé ce que vous offrira la RATA, le reste il faut le découvrir par soi-même.
Le Roi Stelvio.
La RATA débute par un morceau de choix, les Italiens l’ont surnommé le Roi Stelvio, d’autres le comparent à un gros intestin du fait de ses innombrables lacets qui peuvent évoquer cet organe. Le Stelvio ne peut laisser indifférent, l’immensité des lieux offre un spectacle de toute beauté. La route a été ouverte en 1826 pour relier la province de Bolzano (Vallée de Vinschgau aux sources de l’Adige) à la Valtellina (Bormio). Un troisième accés a été ouvert plus tard par Santa Maria et l'Umbrail, reliant le Stelvio à la Suisse (canton des Grisons, Engadine). Avec 2757m d’altitude il s’agit du col routier le plus haut d’Italie, et du second col routier le plus haut d’Europe après l’Iseran (2770m). Contrairement aux idées reçues la Bonnette n’est pas le plus haut col routier d’Europe car les 2802m sont atteints à la Cime, le col proprement dit, le Restefond, étant en réalité à 2680m.
Passo dello Stelvio en Italien, Stilfser Joch en allemand, le Stelvio est également une frontière linguistique, il se trouve au pied d’une pointe dénommée Dreisprachenspitze (pic des trois langues), puisque s’y rencontrent l’italien (Valtellina), l’allemand (Vallée de Vinschgau), et le rhéto-romanche (Engadine, canton des Grisons.)
Pour les concurrents de la RATA, le Stelvio est emprunté par le versant Est par Trafoi. Il est à considérer comme l'un des cols les plus difficiles des Alpes, les pentes ne sont jamais excessives mais il faudra compter avec 25,5km d’ascension à 7,3% de moyenne. En comparaison le Galibier depuis Valloire représente 17km à 7,3% de moyenne, le Mont Ventoux par Bédoin 21km à 7,5% de moyenne, le décor est fixé.
L’ascension débute modestement le long d’un torrent dans un cadre boisé. A la sortie de Gomagoi, les choses se gâtent avec les premières fortes pentes dans la zone des paravalanches, bien appréciables lorsqu’il tombe des trombes d’eau comme en 2006. Puis vient la traversée de Trafoi qui marque l’entrée dans l’univers du Stelvio. Il reste 14km à gravir comparable à une citadelle qu’il faudrait investir. La vision de l’empilement de lacets qui attend le cycliste est réellement stupéfiante, on se demande quel esprit tordu a voulu faire passer une route par là. Avec une bonne dose de patience et un effort savamment dosé on viendra à bout de la cinquantaine de lacets, tout en préférant admirer les glaciers (ou ce qu’il en reste) du massif de l’Ortles (3905m) plutôt que de fixer ce sommet qui semble s’éloigner.
Traversée de Trafoi lors d'une reconnaissance.
On finit toujours par arriver au sommet.
RATA 2007: le temps se gate après Trafoi.
RATA 2007: lacet N° 12, 25, 36 ou 49??
RATA 2007: le massif de l'Ortles (3905m) en toile de fond.
RATA 2007: l'univers minéral à l'approche du sommet.
RATA 2007: un dernier rayon de soleil avant le sommet.
A suivre...