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Unlimited Miles
23 avril 2007

Brevet Randonneur Mondial des 300 kms de Gap : en météo France tu n'auras pas confiance!

00000000_3_Le mois d'avril bat son plein, c'est le mois où, à l'approche des grand rendez-vous, on s'endurcit sur de beaux parcours longs et difficiles. Les journées rallongent, la météo se fait plus clémente, les conditions sont réunies pour se lancer enfin sur des itinéraires ambitieux. 8, 10 ou 12 heures de vélo dans la journée, c'est un passage obligé si l'on veut encaisser les 24h d'un RPE ou d'une RATA dans des conditions optimales. J'ai prévu d'effectuer mon premier 300 km de la saison le week-end suivant la Cyclo des Monts du Vaucluse . Sur l'invitation de Mark et Anne, nous avons décidé de participer au Brevet Randonneur Mondial de Gap, un 300km qualificatif pour le prochain Paris Brest Paris. Le parcours ne comporte pas de grosses difficultés, ça sera l'occasion pour Laure d'effectuer la distance en compagnie de Anne, joli défi compte tenu que sa distance maximum cette année est de 160km, quand à Mark et moi on essaiera de s'offrir une belle partie de manivelle.

Samedi 14 avril, 3h15 du matin, le réveil est un peu comateux. Nous avons passé la soirée à Gap chez Gisèle pour gagner un peu de sommeil, le départ étant prévu vers 5h. Pas évident de trouver l'appétit pour manger copieusement à cette heure là, il va falloir bien remplir les poches et prévoir des euros pour d'éventuels arrêts boulangeries afin d'éviter la panne sèche.
Le principe des BRM est simple, on vous remet une fiche de route indiquant l'itinéraire et vous vous débrouillez pour le reste. Pas de fléchage, pas de ravitaillement, et c'est à vous de faire tamponner votre carte de route dans les commerces locaux pour prouver votre passage et valider le brevet. Les adeptes de l'assistanat à outrance peuvent passer leur chemin, il faut savoir être autonome, trouver son itinéraire, et pratiquer le système D. A l'heure actuelle où tout est balisé et encadré, cette manière de fonctionner n'est pas déplaisante, il s'en dégage un agréable sentiment de liberté.
Météo France nous avait annoncé une belle journée et des températures estivales, je choisis donc l'option légèrement vêtu avec cuissard court, maillot manches courtes, manchettes, et petit gilet sans manche. Quelle erreur!! Ce n'est pas faute de m'être jamais fait avoir, sur ce coup là je n'aurai pas été malin et je recopierai cent fois les dictons suivants :"en Météo France tu n'auras pas confiance", "en Avril dans les Hautes Alpes, ne te découvre pas d'un fil"!

300705

5h tapante, nous voilà partis en pleine nuit dans les rues de Gap. C'est l'occasion de tester mon nouvel éclairage pour le RPE, c'est efficace, cependant le système d'attache à l'air un peu léger et ne m'inspire pas confiance, il faudra revoir ça. Nous sortons de Gap par la D994 en direction de la Fressinouse, l'échauffement s'effectue sur une montée en pente douce de 6km environ propice à la formation d'un petit groupe de cyclos. La température est douce et nous avons pris place au sein du petit peloton, bien au chaud. C'est toujours un plaisir de retrouver cette sensation particulière de rouler de nuit, nous évoluons dans une petite bulle délimitée par la puissance de notre éclairage. Notre rapport avec l'espace environnant ainsi que la perception de la vitesse se trouvent complètements chamboulés par l'obscurité. Les rares véhicules présent sur la route nous dépassent prudemment en respectant une marge de sécurité confortable, cela me rassure car la cohabitation avec les automobilistes de nuit a toujours été un point de préoccupation pour moi, à chaque édition du Paris Brest les accidents nocturnes sur les qualifications sont là pour nous rappeler qu'il faut redoubler de prudence.
Pédaler de nuit avec d'autres cyclistes demande une grande attention, nous sommes concentrés et ni Mark ni moi nous nous rendons compte que nous avons abandonné Anne et Laure. Mark n'est pas inquiet, il préfère que Anne démarre doucement à son rythme, de mon côté j'espère qu'elles trouveront des compagnons de route sympathiques pour les accompagner.
Dans la traversée de la Fressinouse la route devient mouillée, c'est étrange, la pluie n'était pas au programme et visiblement une averse s'est produite il y a peu de temps. Nous filons en direction de Veynes sur une route désormais humide, le fond de l'air est nettement plus frais, mes pensées vont vers ce k-way que j'ai laissé dans le sac et ce garde boue qui est resté dans la voiture!

"Salut Hugues!"
J'ai du mal à distinguer le visage de la personne qui me parle, ébloui par la lampe frontale fixée sur son casque, mais je finis par reconnaître Laurent Boursette, l'homme qui m'avait coiffé dans le final de Bordeaux Paris en 2004. C'est une vieille histoire qui m'avait bien remonté à l'époque, le temps s'est écoulé depuis, j'ai pris plus de recul par rapport à tout ce qui peut se passer sur une épreuve de vélo, et c'est avec plaisir que je retrouve Laurent comme compagnon de route et non comme adversaire. Nous fermons la marche tout en discutant, Laurent est inscrit en équipe au RPE cette année avec son ami Samuel Ginestet, ils ont reconnu le parcours cette semaine et visiblement certaines portions dans le Verdon sont encore en mauvais état, notamment dans la descente de Trigance. Outre le RPE, Laurent envisage une éventuelle participation à Paris Brest Paris, et je pense que l'on pourra compter sur lui pour faire un bon temps… si les dirigeants de l'Audax Club Parisien le veulent bien !

00000000_22_Veynes en Dévoluy, ça sent le pain frais et les croissants, petit privilège du cycliste matinal.
"ça c'est l'odeur de la France!" me dit Mark. Et l'anglais de Laragne en connait un rayon en matière de plaisir culinaire. Une petite pluie fine commence à faire son apparition du côté de Serres, mauvaise nouvelle, je vais me cailler c'est évident. Je pense que Laure va me maudire étant donné qu'elle a fait les mêmes choix vestimentaires que moi, de toute façon maintenant on est parti, il faut assumer.
Le jour s'est levé brumeux et humide, j'espère me réchauffer dans le col de la Saulce (877m) mais celui-ci s'apparente plus à un long faux plat, la sensation de froid s'installe et je commence à trembloter sur mon vélo. Nous suivons toujours la D994, les 50 kms jusqu'à Nyons s'effectuent dans une longue vallée au profil descendant où je ne parviens pas à me réchauffer. C'est pénible de rouler avec la tremblote, les gestes deviennent moins précis, ouvrir une barre énergétique devient problématique. J'ai les jambes dures comme du béton, dans ce contexte je laisse Mark et Laurent imprimer l'allure jusqu'à Nyons, où suite à un cafouillage sur l'itinéraire nous nous retrouvons un petit peloton d'une quinzaine d'unité. Jusqu'à Tulette le parcours se résume à une longue ligne droite sur une route à forte circulation, la pluie a cessé mais les routes étant encore mouillées la sensation d'humidité est toujours bien présente. Ce n'est pas Paris Roubaix, pas de pavés, la route est bien lisse, et pourtant je tremble de partout!
Ste Cécile les Vignes, premier contrôle de la journée au km 130, nous nous arrêtons dans un bar pour faire tamponner nos cartes de route et avaler un café restaurateur. Cette invasion de gus habillés comme des pingouins qui font clac-clac quand ils marchent constitue l'attraction de la matinée pour les locaux habitués du bar, déjà légèrement alcoolisés à 9h du matin. C'est aussi ça la France. Nous prenons un bon quart d'heure de répit avant de reprendre la route vers Carpentras.
Pour moi ça va beaucoup mieux, je n'ai plus la tremblote mais les guibolles ne sont pas bonnes du tout. L'itinéraire que nous empruntons maintenant est particulièrement stratégique. Les celliers et les invitations à la dégustation s'enchaînent de manière insoutenable alors que des noms magiques défilent sous nos yeux : Vacqueyras, Gigondas, Beaume de Venise… Pour l'instant ça sera Isostar, Maxim, Overstim…

"Carpentras, Carpentras, 5mn d'arrêt". 159 km parcourus et 2e contrôle de la journée vite expédié. Le train repart en direction de Mazan. Mark a des fourmis dans les jambes et avale les faux plats jusqu'à Ville sur Auzon à vive allure, ce qui a pour effet immédiat de nous réduire à trois unités: Mark, Laurent et moi. Avec une température qui est devenue agréable, nous abordons la longue montée des gorges de La Nesque, soit environ 20km avec des pourcentages modestes. Mark nous fait un festival durant toute cette ascension, il a de l'énergie à revendre le bougre, on se contentera de suivre. Quel paysage magnifique, la route se fraie un passage au grès des méandres et des parois calcaires creusées par la Nesque au fil des millénaires. La Provence regorge de trésors comme celui-ci, découvrir de tels cadres naturels est un réel privilège. A chacun de ces instants je réalise cette chance d'être un jour tombé amoureux de la pratique du vélo, source de d'évasions, de liberté, permettant de s'affranchir des contraintes de la vie quotidienne.
Pour l'instant j'ai du mal à philosopher, il faut rester dans la roue de Mark qui a décidé de nous faire visiter les gorges de la Nesque au pas de course, à ce rythme les 20 kms sont vite effacés. A partir de Monieux un vent de face commence à se faire sentir et ralentit sensiblement notre progression jusqu'à Sault, Aurel, puis Montbrun. Nous commençons à connaître ces lieux par cœur. 210 kms ont été parcourus sans grosses difficultés, nous pointons nos cartes dans la boulangerie de Montbrun, au passage je craque pour un pain au chocolat.

Le col de Macuègne (1068m) constituera le seul vrai col de la journée, nous l'abordons dans le même sens que la Cyclo des Monts du Vaucluse ce qui nous permet de constater que l'on grimpe nettement moins vite. Nous connaissons tous très bien ces 10 kms, ils ne présentent pas de réelles difficultés mais avec la distance dans les jambes ils peuvent se révéler traîtres. Mark en fait les frais, il accuse une baisse de régime, il m'avoue rencontrer des problèmes de digestion, phénomène que je connais bien sur les longues distances. C'est le coup de barre classique qu'il faut gérer sur les grandes virées, une fois le cap franchi en général on retrouve un second souffle.
"Ne m'attendez pas, je vous ralentis !"
"Maaaiiis non, Mark, on est pas à 5mn près, reste dans les roues et refais toi une santé!"
Patiemment, nous franchissons le col, la suite du parcours jusqu'à Laragne, via Séderon et les gorges de la Méouge ne présente aucune difficulté, si ce n'est un petit vent défavorable qui oblige à pédaler vigoureusement si l'on veut conserver une vitesse de progression honorable. Nous relayons régulièrement Laurent et moi, je suis content de ne pas être seul car plus nous avançons et plus le vent devient gênant. En regardant ce parcours sur la carte je m'étais dis que compte tenu des vents dominants, le retour s'effectuerai en hissant la grand voile avec un bon vent d'Ouest dans le dos, pas de bol aujourd'hui c'est le vent d'Est qui sévit. Je ne peux pas m'empêcher de penser aux filles: je vois déjà Laure arriver en rallant tout ce qu'elle sait!

Laragne, 270 km parcourus, Mark est à deux pas de chez lui, ça doit être tentant de s'arrêter pour lui mais le terminus est à Gap, encore 40 km avec maintenant un vent défavorable particulièrement violent. La sortie de Laragne est désagréable avec un long faux plat d'une dizaine de km jusqu'à Ventavon qui avec ce vent 00000000_17_s'apparente à un véritable col. Nous relayons, Mark fait l'élastique mais il ne se décourage pas. Au Monêtier-Allemont, nous prenons la route Napoléon qui doit nous ramener directement sur Gap. Je ne vois plus Mark, il reste environ 25 km de lignes droites et faux plats montants jusqu'à Gap, avec ce vent qui devient énervant ça va être long. Les kilomètres se gagnent les uns après les autres pour atteindre La Saulce puis Tallard. Je me sens vraiment scotché, un petit coup d'œil à ma roue arrière me confirme que je suis en train de perdre de la pression, ça doit être une crevaison lente. J'ai la flemme de réparer à 15 km de l'arrivée, alors je regonfle simplement, ça tiendra jusqu'à Gap. Laurent m'attend et en repartant j'aperçois Mark au loin, on est vraiment vache d'avoir continué sans lui sur la nationale, il a du nous maudire! On essaie de se faire pardonner en le laissant revenir, on finira ce 300km tout les trois. Nous avons la bonne surprise de négocier les ultimes kilomètres avec un vent qui a baissé sensiblement d'intensité, ainsi les derniers raidars pour arriver sur Gap ne sont plus qu'une formalité à remplir.

15h45, la boucle est bouclée, 311 km et 2500m de dénivelé, cela reste un parcours assez facile à l'échelle de ce qui nous attend fin mai sur les routes de Provence, mais cela représente une sortie de 10h intéressante qui avec la pluie du matin et la présence du vent sur le final s'est révélée plus dure que prévu pour l'organisme. Nous sommes accueillis sympathiquement au gymnase du Forest d'Entrais à Gap où un bon ravitaillement nous attend, heureux et satisfaits de la sortie accomplie nous parlons déjà des prochains rendez-vous. Nous en avons fini avec ce 300km et mes pensées vont vers Laure et Anne qui doivent batailler contre le vent. Selon mes estimations elles devraient arriver vers 19h, je laisse un message sans réponse sur le répondeur de Laure, ça doit relayer sec du côté de Laragne. J'ai le temps d'aller prendre une douche et de me reposer un peu chez Gisèle.

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17h40, coup de fil de Laure: 00000000_28_
"On est à 15km de Gap, c'est l'horreur avec ce vent, ça fait 130km qu'on est toute seule…" Petite voix fatiguée, j'imagine la scène du côté de Tallard, le léger moment de flottement que l'on ressent quand on voit qu'il reste 15km et que rouler à 25 km/h devient difficile.
"Allez les filles, à ce stade, c'est quasiment gagné, et sur le final il y a du vent dans le dos!" Comme tout bon cycliste je pratique le petit mensonge qui redonne le moral, mais est-ce qu'elle m'a cru?
En tout cas, elles ont bien roulé, , si tout va bien elles devraient arriver avec une confortable avance sur le planning prévu. Je retourne au gymnase pour attendre Laure et Anne, 18h15 les voilà qui arrivent discrètement sur le parking, fourbues, sonnées mais heureuses. Bravo les miss, 311km au mois d'avril il fallait le faire, et avec la pluie du matin et le vent de l'après-midi une bonne dose de courage était nécessaire pour arriver à bon port.

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Il ne nous reste plus qu'à profiter de ce sentiment de bien être qui suit les efforts au long cours, Laure va pouvoir me raconter en détail devant une bonne pizza ces 311 kms : les petites galères, les arrêts boulangeries…. Demain le programme sera moins sportif, ça sent la sieste crapuleuse devant la retransmission de Paris-Roubaix.

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Commentaires
M
...et bravo à vous deux... <br /> Punaise ! où trouvez vous l'énergie de faire 300 bornes au mois d'Avril par temps gris en partant à 5h du mat ?? ça m'impressionne !<br /> <br /> A bientot
C
EN voilà une que semble prendre le même chemin que son mari... Ca promet !<br /> <br /> Bonne continuation, c'est un plaisir que de suivre vos aventures via le net.<br /> <br /> CAM
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