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Unlimited Miles
27 mars 2009

Instants privilégiés.

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  Passage du Col du Festre (massif du Dévoluy, Hautes Alpes), l'enneigement est encore bien présent.

   

Le vélo est une invitation permanente au voyage grâce à cette faculté qu'il nous offre de parcourir des distances considérables, tout en faisant littéralement sauter nos repères dans le temps et dans l'espace. Mon attirance pour les longues distances repose probablement sur ce constat: quoi de plus excitant que de tracer un itinéraire élégant sur une carte et de le réaliser à la force du mollet. Pour le citadin que je suis, les week-end constituent autant d'occasions pour s'offrir une grande bouffée d'oxygène en s'évadant sur les routes et oublier la réalité du quotidien.

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  Le Vercors est resplendissant, une belle journée s'annonce.

   

Dimanche 22 mars, dans la course à la préparation pour la RAS, il est temps de brusquer les choses. La météo est ventée et fraiche, peu importe, je ressens un désir profond de me tester sur du long, voir comment mon organisme va encaisser une contrainte importante. L'objectif de la séance est désigné par le terme barbare d'adaptation métabolique, il faudra traduire: interdiction de se faire péter les varices. Je vais me concentrer sur le ressenti, la gestion de l'instant présent, tout en testant une nouvelle stratégie alimentaire qui doit me permettre de maintenir une intensité modérée et régulière sur toute durée de la journée. La durée est fixée à 10h, il ne me reste plus qu'à tracer un itinéraire qui doit me permettre d'en prendre plein les yeux.

   

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Entre Cordéac et Pellafol, vue sublime vers l'Oisans.

Une fois n'est pas coutume, nous avons programmé un départ matinal alors qu'en temps normal nous flemmardons pour partir paresseusement sur les coups de 10h30/11h.

8h40, chargés comme des mulets, nous mettons le cap plein sud. Notre dimanche en couple s'arrêtera à la sortie de Vif, après c'est chacun sa route, Laure ayant opté pour le circuit culte du Tour du Vercors via Menée, Die, Col du Rousset, les gorges de la Bourne, Villard de Lans. Nous avons chacun notre objectif en tête, la Slovénie d'un côté, la Provence de l'autre.

 

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Le Pic de Bure dans le massif du Dévoluy.

Partir seul pour 10 heures en autonomie nécessite quelques précautions. Au niveau du ravitaillement, j'ai prévu du lourd sur les  bons conseils de Stéphane Palazetti. Si je rajoute à cela les dosettes de poudre énergétique, un coupe vent et des gants d'hiver pour les conditions annoncées fraîches, un horrible chasuble jaune fluo, un éclairage succin sur le vélo en cas de retour tardif, un téléphone portable au cas où, un kit réparation pour boyaux, une mini pompe, un boyau de rechange, l'appareil photo, et cerise sur le gâteau: un Ipod pour être accompagné de mes musiques préférées si j'en ressens l'envie. Le moins que l'on puisse dire c'est que je ne fais pas dans le light. Je cultive malheureusement mon apparence coureur en évitant l'usage de la sacoche, la première difficulté du jour consiste à tout faire rentrer dans les poches.

Après un petit déjeuner très copieux, ayant une fâcheuse tendance à me faire péter le ventre lorsque je pars pour un grand tour de peur de manquer de carburant, le départ est légèrement poussif, une sensation renforcée par le chargement conséquent embarqué.

 

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Le collet Sinard ouvre le bal avec ses pourcentages agréables. Une montée paisible qui débute sur la N75, agrémentée par un petit détour par St Martin de la Cluse, histoire de constater que la physionomie de ce secteur a beaucoup changé depuis la mise en route du tronçon d'autoroute A51  reliant Grenoble à Monestier de Clermont. La proximité de l'agglomération grenobloise et le développement des moyens de communication ont favorisé un accroissement démographique étonnant pour une zone au caractère rural autant marqué.

La courte descente sur Monestier de Clermont dominée par le spectaculaire viaduc du même nom (860m de longueur, 70 m de hauteur au maximum) permet une brève récupération avant d'attaquer le col du Faux, une formalité  lorsqu'il est abordé par ce versant.

 

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Ce point marque l'entrée de mon itinéraire dans le Trièves. Après avoir délaissé la N75, une descente agréable sur le pont de Brion permet de franchir l'Ebron, avant d'aborder l'ascension vers le col de Cornillon. Même si elle ne présente pas une grosse difficulté, 7km à 6 % de moyenne, il faudra se méfier de cette montée qui peut surprendre. Un regard attentif ne ratera pas les belles trouées vers le Lac du Monteynard sur la gauche alors que les sommets enneigés du Dévoluy et de l'Oisans en arrière plan commence à donner le ton. Le col de Cornillon est suivi par un plateau campagnard caractéristique du Trièves, parsemé de vastes domaines agricoles. La ferme du Thau marque le début d'une descente rapide sur Mens égaillée par quelques formations géologiques du plus bel effet. Mens est un village accueillant coincé dans un cirque montagneux, entre Dévoluy et Vercors. Son climat agréable, sa place centrale qui respire le farniente, sa fontaine, tout incite à la halte. Mens, classée commune touristique,  s'est imposée au fil des siècles comme un lieu d'échanges et de séjour depuis la fondation du premier marché sous Néron en 60 après J.C. Les foires de Mens remontent au XIIIème siècle avec la Foire de la Croix de Mai et la Foire aux Agnelles en octobre, celle dite du 15 Août semble plus récente. Les dernières nées sont la Foire aux Potiers (Pentecôte) et la Foire Bio (Septembre), cette dernière se déroulant dans le quartier historique de Mens, associant ainsi patrimoine et écologie.

 
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Il faudra revenir à Mens pour goûter aux spécialités locales avec pour tête d'affiche:

- Les boufettes connues depuis les années 1870 et créées par Hiacinthe Auguste Baup pâtissier confiseur à Mens. La légende raconte que c'est une mendiante qui aurait donné la recette. C'est Louis Bernard pâtissier à Mens qui déposa la marque en 1926.

- Les Ravioles du Trièves, spécialité à base de pommes de terre écrasées, lard et oignons, le tout enrobé de pate et en forme de gros raviolis. Elles se dégustent avec du gruyère râpé et de préférence l'hiver.

Le menu du jour est moins gastronomique, à base de barres énergétiques, portions de gâteau de riz et minis sandwichs, tout en m'hydratant régulièrement. Un régime qui doit me permettre de poursuivre mon itinéraire tout au long de la journée sans soucis.

La sortie de Mens s'effectue par l'Est et le col de St Sébastien (926m), une agréable grimpée de 4,5 km où alternent paysages agricoles et forestiers. Une courte descente précède une succession de vallonnements ponctués par les traversées de Cordéac et Pellafol.

 

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Positionné sur un agréable plateau ensoleillé à 900m d'altitude, coincé entre la silhouette majestueuse de l'Obiou au Sud et les Gorges du Drac au Nord, Cordéac est un village authentique qui a su préserver une activité pastorale et traditionnelle. Une petite usine de tissage datant du 20e siècle, reposant sur l'exploitation de la laine de mouton d'élevage, a été transformée en atelier de création et de fabrication d'accessoires en feutre et en laine.

Pellafol marque une rupture dans mon itinéraire, sous le regard de l'Obiou je quitte le Trièves pour pénétrer dans le massif du Dévoluy par les Gorges de la Souloise. Le Dévoluy est un massif calcaire d'apparence aride et pourtant l'eau y est omniprésente.  C’est au col de Rabou que la Souloise prend sa source, alors mince filet d’eau puis canyon creusé dans la roche calcaire du Dévoluy. Elle prend de la vigueur grâce à la résurgence des Gillardes, la deuxième de France, qui arrive par tout un réseau souterrain depuis le Grand Ferrand, avant d'alimenter le Lac du Sautet et son barrage hydroélectrique. Le canal de Pellafol, tentative pour canaliser l'eau du Dévoluy jusqu'aux terres cultivées de Pellafol à la sortie du massif, a été vite abandonné à cause des phénomènes d'érosion.

 

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Le massif de l'Obiou et sa silhouette impressionante.

   
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  Direction Pellafol, le Dévoluy droit devant.

 

Le long de la Souloise, la grimpée s'effectue en plusieurs paliers interrompus par la traversée de St Disdier en Dévoluy, village accueillant blotti dans la fraicheur de la vallée principale du Dévoluy, sous la domination des "géants de pierre" qui l'entourent. L'ascension se poursuit agréablement en direction du col du Festre (1440m) à travers un large vallon où la neige a fait une apparition spectaculaire. La végétation encore endormie en ce premier jour de printemps a disparu au profit d'une couverture blanche lumineuse du plus bel effet. C'est un véritable privilège de pouvoir évoluer dans ce superbe cadre montagnard dans un calme absolu. Les yeux grand ouverts, je déguste le col du Festre les sens en alerte comme on déguste un bon repas.

 

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L'entrée dans le massif du Dévoluy se fait sous le regard...
 
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...de "Géants de Pierre".
 
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Les Gorges de la Souloise taillée dans le calcaire.

 
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La neige fait son apparition après St Disdier en Dévoluy.
 

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L'occasion de découvrir d'autres pratiques sportives.
 
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Instants privilégiés...
 
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Grands espaces et calme infini...

Je quitte le Dévoluy par le Sud en direction de Veynes avec un bon vent favorable qui me rappelle que le retour sur Grenoble sera compliqué. Perdu dans mes pensées, je sens quelque chose qui vibre dans mon dos, zut c'est le portable, il est dans quelle poche? C'est un message de Laure pour me prévenir que la descente du Col de Menée sera délicate pour cause de plaques de neige récalcitrantes. J'ai le temps d'y penser, je gère l'instant présent.

   
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Une photo bidon.

    

Comme prévu le vent défavorable m'accueille à la sortie de Veynes que je quitte par le petit col des Eygaux, une petite côte anodine de 2 km qui permet de rajouter un col à sa collection. 

Au rythme du vent contraire, je traverse sans m'attarder Aspres sur Buech qui semble endormie. Le cap est mis à l'Ouest en direction du Diois par le col du Cabre. Le vent est devenu l'élément préoccupant, imposant une vitesse de progression lente pour négocier les longues lignes droites qui conduisent au pied de l'ascension proprement dite.  Comme c'est souvent le cas dans les massifs préalpins du Sud, le paysage se distingue maintenant par son aridité sauvage, tel un décor de Western. Le contraste est saisissant avec le début de l'itinéraire qui était boisé et vert dans le Trièves, enneigé dans le Dévoluy.

   
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Changement de paysage radical, nous ne sommes pas très loin des Alpes
de Haute Provence
.

   

"C'est bon tu es dans les temps!" J'ai toujours un peu de mal avec les petites phrases qui se veulent humoristiques, lancées par les gens confortablement installés aux terrasses des cafés le dimanche après midi. Peu importe les lacets du Col du Cabre sont escaladés à l'abri du vent, réchauffé par un soleil omniprésent depuis ce matin. Pour renforcer l'ambiance Western, je pédale au rythme des mariachis de Calexico.

   
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   Les lacets du Col du Cabre sont abrités du vent du Nord.
 

La descente vers le Diois coïncide également avec l'entrée dans le département de la Drome, elle s'effectue par de larges lacets sans difficulté qui permettent une agréable récupération. Seul un puissant vent contraire interrompu par le franchissement impressionnant du verrou rocheux des Claps, vient perturber ma progression dans la vallée conduisant à Luc en Diois.

Sur les longues distances, tout est une question de patience, alors je patiente jusqu'au changement de direction vers Chatillon en Diois en espérant que le vent soit moins virulent.

   
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Le temps et le kilomètres défilent et voilà le col de Menée qui pointe le bout de son nez. Ce col est une véritable perfection esthétique avec un tracé élégant dessinant de larges lacets à travers la montagne sur une vingtaine de kilomètres. La pente n'est jamais excessive ce qui rend l'ascension tout à fait accessible et permet de jouir du panorama qui se développe au fur et à mesure des kilomètres. Le cycliste qui aborde le col de Menée par son versant Sud se trouve plongé dans une ambiance faite de solitude et de grandeur, tant il est difficile de ne pas être frappé par la puissance des forces géologiques qui ont façonné le paysage. Le col se franchit par un tunnel à 1400 m d'altitude qui met en relation le Diois avec l'Isère. C'est par un froid marqué, 3°, que je franchis le tunnel pour déboucher sur le versant Nord, la vue permet d'embrasser d'un seul regard le Massif du Vercors Sud, les Sommets de l'Oisans, en passant par le Trièves, que je retrouve avec plaisir, sous la domination imposante du Mont Aiguille.

   
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Le Rocher du Combeau domine les lacets du Col de Menée.
 
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    Festival de couleurs dans le final du col de Menée.
 
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N'importe où porte le regard...
   
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   ... l'émerveillement est constant.
 

Difficile de s'attarder car le vent du Nord rend l'atmosphère glaciale, je bascule dans la descente en ayant bien en tête les recommandations de Laure. Tout est négocié sans encombre avec toujours ce vent du Nord qui prend un malin plaisir à rendre la progression pénible. Compte tenu de la luminosité décroissante, j'opte pour l'option N75 pour rejoindre Monestier de Clermont via le Col du Faux. C'est la route du retour de week-end pour les Grenoblois, ils me doublent, ou me frôlent parfois, avec un  regard  soit amusé, soit énervé. Je suis un obstacle gênant sur un axe dédié aux véhicules motorisés, attention à ne pas ralentir les individus pressés de rentrer chez eux.

   
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Le froid surprend sur le versant Nord du col de Menée.
   
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   Le panorama est superbe dans cette lumière de fin de journée.

 

Plus aucun espoir sur le plan du vent, il sera défavorable jusqu'à l'arrivée, alors je m'applique pour garder un pédalage efficace et régulier. Par sécurité j'ai allumé les lumières, plus pour être visible que pour y voir. Vif, Varces, je réintègre l'agglomération grenobloise après un périple de 266 km et 4 150 m de dénivelée, des sensations et des émotions plein la tête, extrêmement satisfait du déroulement de cette journée privilégiée. Les 8 kms de l'interminable ligne droite du cours de libération qui relie Claix à Grenoble sont avalés dans l'obscurité. J'aime tout particulièrement cet instant éphémère où j'en termine avec mon parcours, je sais que je peux maintenant me laisser aller dans le confort douillé de notre appartement. Laure est sous la douche, elle a réussi avec succès son Tour du Vercors, premier 200 km de la saison, non sans avoir connu des déboires avec un câble de dérailleur arrière fatigué qui l'a contraint à passer le col du Rousset et traverser le Vercors sur le 12 dents! Madame fait de la musculation sur 100 km, la Provence est prévenue.

   

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Commentaires
V
Hello Hugues<br /> <br /> Quel délire .......Vive le 1 avril ....<br /> Suis rentré trop tard en Alsace , pour participer à ces fantastiques témoignages d' amitiés de "Rataman"....<br /> Ce matin 2 avril ......obligé pour la Moulinette de revenir à des considérations sérieuses....hihihi<br /> <br /> En tous les cas ....... superbes entrainements pour vous deux et toujours un réel plaisir pour moi , de lire et de partager un petit peu votre histoire Velo.<br /> <br /> Que du Bonheur à te lire.<br /> <br /> Bonne continuation pour la RAS .<br /> <br /> Que le soleil et les meilleures conditions météos possibles vous accompagnent le plus souvent possible dans les semaines avenirs et vous réchauffent le coeur.<br /> <br /> à plus CHAMPION <br /> <br /> Amitiés PascaLamoulinette
B
Ballade de haut vol, grandiose, très belles photos de coins que je connais bien ... en vélo et à skis ;-) J'aime énormément cette vision du vélo qui transparaît dans ton blog ... <br /> J'aimerais bien faire un 200 km pour voir (mon max : le 170 de la volcanique à l'Ardéchoise) le problème c'est que même si je peux rester des heures sur le vélo je n'avance pas ;-)
A
Coucou ,<br /> quel remue ménage ,et dire que s'est parti d'une prière ,mais fêtons tout de même notre saint Hugues <br /> et espérons qu'il dise au bon dieu de nous apporter de la chaleur pour qu'on roule en cuissard et surtout contredire le dicton !<br /> Vivement qu'on bronze un peu car on en a besoin avec cet hiver qui a duré si longtemps ,sinon on aura l'air de quoi dans nos prochains périples estivaux ?<br /> <br /> Hors de ma vue le mois d'avril avec ton fil ,et mai fais ce qu'il te plais !!!<br /> <br /> Encore une fois bonne fête Hugues !
D
1er Avril journée du poisson, mais c'est aussi la Saint Hugues, alors Bonne Fêtes au Champion du dénivelé positif.<br /> Amicalement<br /> DAMIEN
J
Je préfère ça...!<br /> Heu... j'allais oublier, bonne fête Hugues ! :-))
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