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Unlimited Miles
16 décembre 2006

Le Défi des fondus de l'Ubaye 2006 : une journée au sommet.

DSC_1269_1_Le plaisir c'est simple comme un coup de pédale, alors pourquoi se restreindre quand on peut en faire beaucoup ?
Si l'on aime se sentir libre, atteindre les hautes altitudes, s'évader dans des ascensions sauvages, tracer de beaux itinéraires montagnards, comment résister à l'appel de la Vallée de l'Ubaye et de ses grands cols ?
Une pratique raisonnable voudrait que l'on se contente de un ou deux col, alors qu'une pratique sans concession et passionnée nous pousse à tenter la totale, tenter ce que l'on nomme  le Défi des Fondus de l'Ubaye.
Le principe est simple, Claude Véran et son équipe nous proposent d'enchaîner dans un délai de 24h les 7 cols de la vallée de l’Ubaye, soit dans l'ordre : le col de Pontis (1301m), le col St Jean (1333m), le col d’Allos (2247m), le col de la Cayolle (2326m), le col de la Bonnette (2802m), le col de Vars (2109m), le col de Larche (1848m), remplacé par la montée à Ste Anne la Condamine pour cause de restrictions de circulation. L'enchaînement des 7 cols constitue une randonnée de 320 km avec 6800m de dénivelée positive. Le candidat qui en sera venu à bout accédera au grade de Grand Maître dans la Confrérie des Fondus de l'Ubaye. Rien d'insurmontable pour celui qui aura su être patient et se jouer des éléments naturels souvent capricieux dans les hautes vallées alpines. Il faut rajouter que l'ensemble des participants contribue à la lutte contre la mucoviscidose par un don lors de l'inscription de 20 euros ou plus reversé à l’association « Vaincre la Mucoviscidose », ainsi nous gardons à l'esprit que nos petites souffrances vélocipédiques sur les pentes de l'Ubaye sont bien dérisoires et qu'il s'agit d'un privilège qu'il faut savourer.
Revenons  sur cette journée pas tout à fait comme les autres.

240606

Une question d'organisation.
Le parcours du DFU  se caractérise par un enchaînement de cols que l’on fait en aller-retour, il est ainsi possible de faire le parcours en autonomie tout en restant léger. En effet, l'organisation met à la disposition des participants des ravitaillements liquides au sommet des cols, des ravitaillements solides à Uvernet  et à Jausiers, ainsi qu’un repas complet à mi parcours à Barcelonnette. A cela s’ajoute la possibilité de laisser à Uvernet, Barcelonnette et Jausiers des sacs personnels dans lesquels on aura pris soin de laisser des affaires de rechange ou du ravitaillement supplémentaire. L’art consistant à bien anticiper  nos besoins aux différents stades du parcours en terme d’alimentation, boissons et vêtements. Une fois ces détails réglés, on peut se lancer dans l’aventure l’esprit serein.

DSC_0013_1_Dimanche 24 Juin, 5h du matin, il fait encore nuit sur la petite place de Barcelonnette où une bonne centaine de cyclos attend tranquillement de s’élancer à l’assaut de 4, 5 ou 7 cols. Après les Ventoux Master Series et le Raid Provence Extrême, nous voilà parti, Laure et moi, pour une nouvelle aventure montagnarde. Le peloton s’élance doucement en direction du Lauzet pour une mise en route agréable d’une trentaine de kilomètres en légère descente. Nous découvrons la vallée de l’Ubaye avec les premières lueurs de l’aube. Nous filons à vive allure avec une agréable sensation de facilité, d’autant plus que  la température est douce, laissant augurer une agréable journée. Dans une ambiance détendue, nous faisons connaissance avec nos compagnons du jour au grès des mouvements du peloton.

Le col de Pontis : petit mais costaud.
Pour le cycliste flânant le long du lac de Serre Ponçon, le col de Pontis constitue une transition brutale. Une bifurcation à droite nous fait passer sans prévenir d’une route large et plane à une route étroite au revêtement rugueux extrêmement pentue. Il vaut mieux ne pas tenter le passage en force et adopter un développement adapté pour négocier les 5km à 10% et plus qui se dressent devant nous. C’est à partir de là que chacun prend son rythme, que les alliances du jour se forment. Je dis au revoir à Laure, nous nous reverrons un peu plus tard dans la journée.
L’effort est violent pour se mettre en route, Daniel de Gabai et Benoît Rouland sont
DSC_0075_1_plus à l’aise que moi dans l’enchaînement des lacets du Pontis, comme très souvent j’ai du mal au démarrage, pas d’inquiétude à avoir tout va rentrer dans l’ordre. Je bascule au sommet avec un peu de retard, et, après un petit moment d’hésitation car je ne trouve pas le pointage au sommet, on apprendra plus tard qu’il a été supprimé, je retrouve rapidement Benoît dans la descente. Daniel a disparu, Benoît m’explique qu’il est parti de chez lui ce matin  en oubliant ses bidons et qu’il va faire un détour pour aller les récupérer, il en a pour une heure de route en plus environs. Cela m’amuse car le DFU a de quoi en effrayer plus d’un et Daniel rajoute un détour sans trop se poser de question.
Nous sommes donc parti pour faire un bout de route ensemble Benoît et moi. Une fois le col de Pontis dévalé, nous repartons en direction du Sauze du Lac par une route magnifique dominant le Lac de Serre Ponçon. Avec la lumière du petit matin, impossible de ne pas être saisi par ce paysage de carte postale. L’eau du lac est d’un bleu limpide, aucun souffle de vent ne vient troubler le reflet parfait des montagnes. Devant ce spectacle, nous franchissons tranquillement la petite côte du belvédère, suivie d’une descente très rapide pour rejoindre les rives du Lac et revenir au pied du Pontis.

Le col St Jean : juste une formalité.
Le deuxième col du jour est un moment agréable : 13 km en pente douce, excédant rarement les 5-6 %. Les conditions étant idéales, le vent encore discret, nous progressons facilement à un train correct tout en discutant. Nous avons de nouveau le loisir d’admirer des  points de vue imprenables sur le lac de Serre Ponçon jusqu’au belvédère du col St Jean.
« Comment ça va depuis l’an dernier ? »
« Qu’est ce que tu as déjà fait cette année ? »
Ainsi le sommet est vite atteint,  nous y trouvons cette fois-ci un poste de pointage et de quoi nous ravitailler brièvement. A partir de maintenant, au sommet de chaque col il faudra faire demi-tour et revenir sur nos pas. Cette particularité nous permet de croiser dans la descente l’ensemble de la troupe, c’est plutôt sympathique : on se salue, on s’encourage. Nous sommes quelques uns à être venu faire le DFU en couple, on se rassure en constatant la bonne progression de sa protégée. Laure semble avoir pris son petit train dans le col St Jean, la moulinette est en marche.
Benoît et moi en avons fini avec l’échauffement de la basse vallée de l’Ubaye, il faut maintenant revenir à notre point de départ à Barcelonnette pour s’attaquer aux hautes altitudes et à l’enchaînement redoutable des 4 cols à plus de 2000 m. En temps normal, pour remonter la vallée de l’Ubaye, les brises thermiques sont les alliées des cyclistes, aujourd’hui un vent chaud souffle en sens contraire et rend la progression un peu pénible, nous mettons en place des petits relais pour ne pas y laisser trop de force. Nous savons tout les deux qu’il en faudra pour négocier la suite.

DSC_0251_1_

Le col d’Allos : il mériterait d’être pyrénéen !!
Avant d’attaquer le col d’Allos une petite pause s’impose. Le ravitaillement d’Uvernet arrive à point nommé pour refaire le plein après une centaine de kilomètres parcourus. Nous sommes accueilli chaleureusement par les bénévoles qui s’inquiètent activement de savoir si nous ne manquons de rien. Nous faisons aussi la connaissance, entre un sandwich et une banane, avec le photographe du DFU, Eric de Blablaprod, débordant d’enthousiasme et ne  manquant pas d’humour.
Nous repartons rassasiés à l’assaut du col d’Allos et de ses 19 km pour 1100 m de dénivelée. La première partie du col, jusqu’à la petite station des Agneliers, n’est pas facile à négocier, les pentes y sont souvent supérieures à 8 % durant 7 km. Le paysage y est remarquable, la route s’élevant rapidement au-dessus des gorges du Bachelard à flanc de falaise. Si l’on est observateur, certaines trouées dans la forêt  nous permettent d’apercevoir au fond de la vallée la route du col de la Cayolle qu’il faudra négocier tout à l’heure. Un bon replat de 3 km permet de récupérer au niveau des Agneliers avant d’aborder la seconde partie du col, caractérisée par une pente à nouveau soutenue durant 9km jusqu’au sommet. Nous montons sur un train régulier Benoît et moi, sans rater une bribe du spectacle magnifique que nous offre le col d’Allos : forêts, rocailles, alpages, ciel limpide, tout est parfait.
« Qu’est ce qu’il est beau ce col, il mériterait d’être pyrénéen !! » Lance Benoît, rompant ainsi le silence dans lequel on était plongé depuis quelques instants. Cette remarque me fait sourire.
« Ben quoi ! Ils ont quoi de plus les cols pyrénéens par rapport aux cols alpins ? »
« Rien, rien, c’est une blague entre potes ! »
Il y a là sujet à un vaste débat, quels sont les cols les plus beaux entre les Pyrénées et  les Alpes, la réponse nous ne l’aurons pas aujourd’hui.
DSC_0381_1_Au détour d’un des ultimes lacets sous le sommet nous retrouvons notre photographe d’Uvernet perdu dans un troupeau de mouton, toujours aussi enthousiaste :
« Mais on s’est pas déjà vu quelque part ? »
Voilà le sommet à 2240m, un coup de tampon vite fait, le temps d’enfiler un coupe vent et l’on fait demi-tour pour redescendre ce que l’on vient de monter. Nous recroisons à nouveau tous les protagonistes du DFU : hello Mark, allez Pascal, courage Philippe, coucou le photographe, attention les moutons, André est concentré, Sébastien se balade avec ses frères, Patricia s’applique, Laure mouline, Anne est tout sourire, Marie Laure courageuse,Daniel a récupéré ses bidons…
Retour à Uvernet où nous nous accordons une pause d’une dizaine de minute pour faire à nouveau le plein. J’en profite pour attaquer mon ravitaillement personnel, à base de cake maison, flan pâtissier et crème de marron.
Sans se précipiter nous repartons à l’assaut de notre prochain objectif : le grandiose col de la Cayolle.

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Le col de la Cayolle : qui a allumé le chauffage ?
Le col de la Cayolle sera long et chaud. 26 km d’ascension très irréguliers nous attendent pour nous hisser jusqu’à 2326 m. J’ai beau le connaître ce col mais à chaque fois je le redécouvre grâce à  son extrême variété. L’entrée en matière est douce physiquement mais impressionnante visuellement avec la traversée des gorges du Bachelard. Une série de petites rampes permet d’atteindre la cotte 1700m sans trop de difficultés. Nous avons repris notre rythme de croisière régulier afin que l’effort soit supportable, et nous permettant de discuter de choses et d’autres. Nous cherchons les coins d’ombre sur la route car la chaleur est devenue vraiment sensible. Comme d’habitude dans ces conditions je commence à ressentir des échauffements aux pieds.

Après le  village de Bayasse, le passage d’un pont et un grand virage à droite annoncent la seconde partie plus difficile du col, il reste environ 9 km à 7% de moyenne pour atteindre le sommet. Le paysage se fait un peu plus aride, les quelques arbres encore présents laissant la place à un mélange d’alpages et d’éboulis. Nous évoluons dans un vallon où se succèdent portions rectilignes et petits enchaînements de lacets, ainsi l’ascension n’est jamais monotone. J’éprouve un peu de difficultés sur les 3 deniers kilomètres alors que Benoît semble encore à l’aise. Une fois le sommet atteint, nous nous accordons une petite pause avant de faire demi tour et de plonger une nouvelle fois sur Uvernet. Dans la descente le vent chaud qui remonte la vallée rend l’ambiance un peu plus étouffante. Au passage, nous n’oublions pas d’encourager à nouveau  nos compagnons et nos compagnes.
Pour faire une fringale sur le DFU, il faut vraiment le chercher. Après pas loin de 200km parcourus, les concurrents sont accueillis à Barcelonnette  comme des rois avec un véritable repas confectionné par l’équipe de Claude Véran. La table est mise, il n’y a qu’à s’asseoir et se laisser servir : salade de riz, gâteaux de riz, tout ce qu’il faut pour tenir la distance. Nous profitons aussi de la fraîcheur de la salle mise à la disposition pour l’occasion. Un petit quart d’heure de repos où nous commentons le chemin déjà parcouru et celui qu’il reste à parcourir. Nous nous motivons pour repartir, la machine est toujours dure à remettre en route après un arrêt trop prolongé.

La Bonette : Orage et des espoirs.
DSC_1821_1_La vallée entre Barcelonnette et Jausiers est absolument suffocante, il doit faire allègrement 35°, j’ai la désagréable sensation d’être scotché au bitume, je regarde mes freins : non non, ils ne touchent pas la jante, pourtant j’aurai juré que…
Quelque chose a changé dans l’atmosphère, je jette un petit coup d’œil au ciel en direction de la Bonette et ce que je vois ne m’inspire pas confiance. De gros cumulus blancs sont en train de se former au dessus des sommets, et en général ce genre de formations nuageuses évolue rapidement vers l’orage en montagne. Soyons zen, pour l’instant nous arrivons au panneau indiquant : « Route de la Bonette Restefond 2807 m – Plus haute Route d’Europe », nous avons du pain sur la planche, une bagatelle de 24 km d’ascension et 1600m de dénivelée. Ce col n’est jamais très dur, à part la dernière rampe de la cime, mais il faut savoir gérer la longueur avec beaucoup de patience. Dès les premières rampes, je sens que je vais passer un mauvais quart d’heure, les cuisses sont douloureuses, peut être une petite déshydratation, il va falloir que je sois prudent pour éviter la sanction. Benoît maintient une cadence un peu trop rapide vu mon état de fraîcheur, je dois temporiser un peu et le laisser filer à la sortie de la première série de lacets. Je le regarde s’éloigner tranquillement dans les traversées des hameaux de Lans, la Chalannette et Prégonde, puis l’écart se stabilise dans la seconde série de lacets franchissant le joli verrou rocheux du Rochas. Benoît doit à son tour connaître un coup de moins bien car je grignote maintenant du terrain, jusqu’à revenir à son niveau au passage de l’auberge de la cotte 2000 m. Nous poursuivons l’ascension en roulant côte à côte quelques kilomètres, en silence, assommé par l’effort et la chaleur.
« Ça va ? »
« Bof »
Un petit coup d’œil vers les sommets confirme mon impression de tout à l’heure, les nuages grossissent à vue d’œil, il va falloir  beaucoup de chance pour échapper à l’orage. Une troisième série de lacets nous permet d’atteindre une zone où la pente se fait beaucoup moins raide. Cet endroit est assez caractéristique de la Bonette, nous traversons un vaste alpage assez plat où nous pouvons admirer un  petit lac qui donnerait envie de s’y arrêter pour y faire une sieste, le cadre est absolument fabuleux, minéral, entourés de haut sommets arides. Je ne m’en suis pas rendu compte mais Benoît a décroché et je ne le vois plus du tout, là il a du connaître un sacré coup de bambou !! J’ai envie de l’attendre, mais un nouveau coup d’œil vers la couleur du ciel me pousse à continuer, voir à accélérer. La pente se refait soutenue pour atteindre les cabanes de Restefond, il faut un peu de ténacité pour franchir cette nouvelle série de lacets. Quelques petites averses commencent à se déclencher, rien de méchant, juste de quoi se rafraîchir, mais le ciel  devient franchement inquiétant. Dans un lacet je retrouve une silhouette que je connais : tiens notre photographe d’Uvernet et d’Allos !
« Nous nous sommes pas déjà vu quelque part ? »
Je débouche enfin sur le replat terminal qui précède la boucle de la Cime de la
DSC_1825_1_Bonette, une vision d’horreur m’attend : derrière la Cime le ciel a pris une couleur de fin du monde, un gris tendance noir profond zébré d’éclairs, avec un fond sonore lointain de craquements et de roulements de tambours. Au fond de moi je me dis que si j’accélère je dois avoir le temps de basculer avant l’apocalypse. J’attaque donc la dernière rampe comme un dératé, à l’arraché, je pointe rapidement ma carte au sommet. Si j’avais le temps et un appareil photo j’immortaliserai bien cet instant particulier. 2807 m, il fait doux, la lumière est crépusculaire, le temps est comme figé dans l’attente de l’explosion de l’orage qui gronde. Je méditerai plus tard, j’enfile un coupe vent et fonce dans la descente. Je croise Benoît qui a du vraiment marquer le coup, Mark imperturbable dans les rampes sous les cabanes de Restefond, Pascal semble piocher, le reste de la troupe est éparpillée le long de la Bonette.
J’ai une chance incroyable, je parviens à faire la quasi-totalité de la descente au sec, l’orage semble patienter encore un peu. Je retrouve une route mouillée à Jausiers, Patricia est en train d’attaquer les premières rampes de la Bonette, je n’ai pas vu Laure.
Un ravitaillement est posté à la sortie de Jausiers en direction de la Condamine-Chatelard, le tonnerre gronde, le vent devient capricieux, l’orage semble nous tourner autour. Je m’arrête pour manger un morceau, j’enfile rapidement deux maillots secs l’un sur l’autre en prévision de la suite. Le monsieur qui tient le poste de ravitaillement semble étonné :
« Vous faites les 7 cols ? »
« Euh, ben oui ! Vous pensez que l’orage va tomber ? »
« Vous savez on ne peut pas trop prévoir ce qui va se passer, si ça se trouve sur Vars ça tiendra. » 
Je ne traîne pas et repars vers le prochain col.


Le col de Vars : Recherche un K-way désespérément.

A peine remonté sur ma selle, une véritable tempête se lève, les rafales me propulsent en direction de la Condamine-Chatelard. J’ai joué un coup de poker contre l’orage, j’ai eu l’espoir de gagner mais il a décidé de dévoiler son jeu, je dois me coucher. Je rentre dans la Condamine accompagné d’une véritable tornade, avec la désagréable sensation que quelqu’un me vide un seau d’eau sur la tête, vite un abri, n’importe quoi … Je me précipite dans une cabine téléphonique que j’aperçois sur la place principale de la Condamine, merci France Telecom de les avoir conservées. L’orage peut se déchaîner.
Je suis bien dans ma cabine, il y fait chaud alors que dehors un véritable déluge se déverse sur l’Ubaye. Impressionnant ! Ça tourbillonne dans tout les sens, ça claque, ça gronde !
Il faut que j’appelle Laure pour savoir où elle en est, pour me rassurer aussi :
« Comment ça se passe ? »
« Je suis à Jausiers, à l’abri devant un hôtel, c’est le déluge !! »
Tout va bien, elle me dit qu’elle va attendre que ça se calme pour faire la Bonette, et qu'elle a trouvé un compagnon de route. De mon côté je me rend compte que j’ai oublié mon K-way à Barcelonnette, ça va être un peu délicat pour le col de Vars.
La seule chose qu’il me reste à faire pour l’instant c’est de patienter. 25 minutes plus tard je tente une sortie de ma cabine, la pluie s’est calmée sans pour autant cesser définitivement. Je poursuis tant bien que mal ma route vers le col de Vars, malheureusement, le tonnerre me rappelle rapidement à l’ordre alors que simultanément de nouvelles averses très intenses se déclenchent. Impossible de trouver un abri jusqu’à St Paul sur Ubaye, il reste 8 km très difficile pour atteindre le col de Vars, je suis trempé et l’orage semble s’intensifier. Dans un grand lacet, j’aperçois des bâtiments sur ma droite où je peux m’abriter, je m’y précipite. Surprise, il s’agit en fait de la gendarmerie de St Paul sur Ubaye, je suis bien accueilli. Les gars semblent étonnés par la présence d’un cycliste dans ces conditions :
« Mais vous faites quoi par ce temps ? » 
« Ben, c’est le défi des fondus de l’Ubaye ! Vous ne connaissez pas ? »
Visiblement je suis pris pour un fou quand je leur explique en quoi ça consiste, et qu’il me reste encore le Col de Vars et la montée à Ste Anne la Condamine. Mon brigadier est bien sympathique, il m’explique mètre par mètre les difficultés de la montée à Ste Anne. Il m’apprend également que l’orage est encore plus violent du côté de Barcelonnette.
« Vous vous entraînez beaucoup pour faire des trucs pareils ? »
« Euh, ben oui, quand même un petit peu… »
DSC_1813_1_Un petit quart d’heure plus tard, je profite d’une accalmie pour sauter sur le vélo. Cela devient difficile de trouver le bon rythme avec ces arrêts prolongés. Je négocie sans trop me faire mal les dernières rampes du col de Vars, non sans m’être pris à nouveau quelques rincées bien gratinées. Je débouche au sommet sous une pluie constante, la température a maintenant bien chuté, il doit faire 10°. Je cherche le contrôle, un gars me fait signe dans une voiture, je viens vite prendre place côté passager. Un coup de tampon et il me propose un café chaud. Je prends mon temps au chaud et à l’abri dans la voiture, tout en discutant  de l’état d’esprit qu’il faut pour faire des longues distances. Au fond de moi j’appréhende la descente car je sais que je vais me cailler méchamment  sans mon K-way.
C’est mon jour de chance : une voiture se gare à nos côtés et je vois Laure qui en sors :
« Qu’es-ce que tu fais la ? »
« Je me faisais du soucis vu ce qu’il tombe et vu que tu n’as pas de K-way, j’ai profité de la voiture de mon compagnon de route pour t’en monter un ! Je retourne à Jausiers, si ça se calme je fais la Bonette !! »
Incroyable, même dans mes rêves les plus fous, jamais je n’aurai pu imaginer qu’un K-way puisse apparaître comme ça à 2000m d’altitude, c’est énorme, merci Madame.
Je suis bien dans ma voiture à discuter le bout de gras avec mon copain du moment, mais il va falloir songer à repartir à la prochaine accalmie. Je déteste repartir dans le froid et l’humidité après un arrêt, je me fais un peu violence pour y retourner, prudemment.
Où en sont les autres ?
La descente est moins pénible que ce à quoi je m’attendais. Je croise Mark au niveau de St Paul sur Ubaye, solide et déterminé, je l’encourage en lui disant qu’il fait beau là haut !
La pluie a maintenant cessé, je pédale vigoureusement pour me réchauffer. La montée de Ste Anne n’a qu’à bien se tenir.

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Ste Anne la Condamine : après la pluie…
En vélo il existe des moments de rêve, où l’on a l’impression que tout est facile, ce sont des instants d’euphorie, sûrement dus aux fameuses endorphines, que l’on connaît parfois sur des parcours longs et difficiles. Je me souviendrai de la montée de Ste Anne comme d’un instant euphorique. Dans une ambiance humide, l’orage aura duré plus de 2 heures, j’attaque la montée sur une route détrempée, parcourue de petites coulées de terres par endroits. Les différentes couches de nuages se déchirent peu à peu, laissant deviner des rayons de soleil timides. C’est comme un sentiment d’apaisement, la nature s’est enfin calmée. Les 6 km de montée à Ste Anne sont durs, comportant de nombreux passages à 10%,  et pourtant cette montée passera bien, je serai même surpris d’atteindre le contrôle facilement. Je savoure ce grand moment de satisfaction. La dernière difficulté est vaincue, il ne reste plus qu’à rentrer à Barcelonnette.

Le plaisir c’est simple…comme 7 cols.
Le retour dans la vallée est vraiment plaisant, une petite brise pousse alors que normalement, en pleine journée, un puissant courant thermique rend le retour sur Barcelonnette pénible.
Entre la Condamine et Jausiers je croise les rescapés du DFU qui ont décidés d’attendre la fin des intempéries pour achever leur défi sur les 7 cols. Petite pause à Jausiers pour récupérer mon sac au ravitaillement, et voilà, je vais déguster les 9 derniers kilomètres en faux plats descendant jusqu’à Barcelonnette, si je pédale bien je serais arrivé avant 19h.
Le DFU restera une journée de vélo inoubliable, qui a pris une tournure inattendue avec cet orage fabuleux, mais qui a pris aussi une saveur et un sens particulier compte tenu difficultés qu’il aura fallu gérer pour parvenir au but. 4, 5 ou 7 cols, chacun aura vécu une expérience particulière faite de plaisirs et de sensations  intenses.

Epilogue.
Une fois arrivé, je consulte mon portable. Laure est repartie avec son collègue du jour s’offrir une Bonette à la fraîche et valider ainsi ses 5 cols, elle sera de retour vers 21 h.

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A son arrivée, une belle satisfaction se lit sur son visage, après un périple de 240 km et plus de 5000m de dénivelée, elle qui redoutait il y a encore peu de temps les longues distances.
La soirée se poursuit joyeusement avec la traditionnelle pasta-party dans la salle du marché couvert de Barcelonnette. Tout le monde y va de son récit de la journée, interrompus seulement par les arrivées des concurrents du DFU qui en terminent avec leur défi. Ils ont tous le même regard, indescriptible, comme tombé d’une autre planète. Les moins rapides auront jusqu’au dimanche matin 5h pour boucler le parcours. Nous apprendrons le lendemain que Marie-Laure, la compagne de Benoît, est allé jusqu’au bout de son défi avec très peu d’entraînement, en bouclant les 7 cols à la frontale sur les coups de 3 h du matin. Chapeau !!

Photos: Eric Ben Attar / Blablaprod

DFU_2007

commander_une_tenue_du_DFU

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Commentaires
J
super récit qui donne envie je viens juste de rentrer d'un sortie vélo qui a duré une semaine avec au programme l'asencion de plusieurs cols dont la bonette, l'izoard, allos et pour finir le ventoux un peu plus bas, les photos prise sont magnifiques aussi dans la bonnette il ya vait un photgraphe mais je n'ai pas pu prendre sa carte aurais tu ses coordonnées je sais juste qu'il est basé à barcelonette A+ et merci pour le récit et les photos
N
Salut a tous,<br /> Ce recit m'a donne des frissons...car il m'a rappelle ma propre experience en 2005, ou j'ai gravit les 7 cols avec mon pere...grand moment. Et puis j'ai grandit a Barcelo et j'ai roule sur ces cols depuis que j'ai 11 ans... Maintenant je vis en Nouvelle Zelande alors lire les decsriptions de la Cayolle ou d'Allos donne plein de frissons... Je voulais retenter l'aventure en 2006 car j'etais de passage en France mais j'ai passe mon temps chez les medecins qui m'ont diagnostique une sclerose en plaque. Je ne suis donc pas vraiment sur de pouvoir refaire ca un jour... Mais en tous cas allez-y!! C'est un "voyage mental" fantastique et le sentiment de facilite (j'ai eu un peu la meme sensation que l'auteur pdt la derniere ascension) est vraiment grisant! Qd j'etais jeune, "faire les 7 cols" pdt l'ete etait deja un accomplissement, alors faire les 7 ds la journee... En tous cas, super recit, pas exagere!
J
Je me suis intéressé au DFU en 2006, le hasard du calendrier m'ayant amené à grimper la Bonette le dimanche 25 juin et à croiser le samedi après-midi quelques participants...<br /> <br /> et il ne manquait plus qu'un récit pareil pour me décider à participer au DFU 2007 !
J
Dans une vie antérieure, il me semble avoir renoncé à quelque six ou sept kilomètres du sommet du col d'Allos. L'orage se précisait au loin, je ne me voyais pas longer les gorges et le ravin dans une ambiance apocalytique en redescendant. La descente fut plus rapide que les éclairs, les trombes d'eau ne m'atteignirent qu'une fois arrivé à la voiture. Ce jour-là, je compris que je resterai admirateur non pratiquant de ces défis. Bon, il faut dire que je n'ai jamais bénéficié d'une apparition de K-way à 2000 mètres d'altitude... Bref, tout ceci pour dire quoi, ah oui… Faut pas nous écrire des trucs pareils ! Ça donne envie de remonter sur un vélo et quand on n'a pas les jambes, c'est finalement une torture de te lire.
S
Claude, je ne pourrais pas être de la partie en 2007, mais tu imagines quoi comme "Super DFU"??
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